1ères parties, derniers servis
Une première partie de concert, c'est l'opportunité pour un artiste ou un groupe de se faire un nom grâce à celui de la tête d'affiche.
Les retombées se font d'une part en terme de notoriété auprès du public mais aussi auprès des professionnels qui peuvent jauger des compétences scéniques que ne laisse à priori pas entrevoir une maquette audio.
Aux yeux du public, la tête d'affiche cautionne implicitement l'artiste qui la précède sur scène.
Je dis implicitement car on sait que la 1ère partie n'est pas toujours choisie par la tête d'affiche mais résulte d'accords entres producteurs et programmateurs.
A moins que la vedette n'ait eu un coup de coeur et impose qu'un groupe la suive sur toute sa tournée (et que les financiers précités en supportent alors les coûts supplémentaires : transport, hébergement, défraiement, matériel de scène...), il est d'usage d'embaucher en 1ère partie des artistes locaux.
Les spectateurs ont perdu l'habitude (à peu de chose près) de siffler les 1ères parties et je constate qu'ils sont de plus en plus enthousiastes à l'idée de découvrir de nouveaux auteurs : cela apparaît même comme un bonus attendu à un concert. Et quand bien-même la vedette n'a pas choisi la 1ère partie, elle l'a approuvée (en général sur simple audition du CD). Le concert est dès lors perçu comme un tout homogène.
Cette constatation faite, je me demande alors pourquoi l'accueil technique fait aux 1ères parties est rarement à la hauteur de leurs besoins ? A-t-on déjà vu une pièce de théâtre dont le premier acte serait bâclé au profit des suivants ?
Le programmateur satisfaisant la fiche technique de la tête d'affiche tient rarement compte de celle de la 1ère partie. Question de budget sans doute, et de temps de mise en place (donc de budget !). La 1ère partie doit donc le plus souvent se contenter du matériel technique de la vedette. Certes ce matériel est très souvent plus conséquent, quantitativement parlant, que celui demandé par la 1ère partie.
Il s'agit alors, en lumière, de faire avec les projecteurs et les réglages de la vedette (qui tombent rarement au bon endroit), voire de se voir interdit d'utiliser tels et tels projos pour garder la primeur de l'effet de surprise.
Il s'agit alors, en son, de se faire engueuler si on touche aux réglages de la console ou si les différences de branchements (le "patch") entraînent un changement de plateau plus long.
De plus, l'installation des musiciens sur le plateau, les réglages son et lumière de la 1ère partie doivent se faire en un temps record, en fonction du retard pris par la balance de la vedette (et si l'éclairagiste de cette dernière n'a pas fini sa mise en mémoire, celui de la 1ère partie doit s'estimer heureux d'accéder au pupitre un quart d'heure avant l'entrée du public !). Et je ne dirai rien de l'attitude de la production de la vedette qui exige que la 1ère partie ne dépasse pas le temps de concert qui lui est imparti...
Je conçois tout à fait que la tête d'affiche veuille proposer une identité esthétique personnelle et ne souhaite pas voir utilisés les effets de lumière ou la décoration qui ont été conçus pour elle, mais c'est le cas aussi pour la 1ère partie... Et comme me disait Frédéric de Rougemont, qui a le sens de l'image, les mêmes ingrédients peuvent donner des recettes très différentes.
Des astuces techniques permettent bien sûr de contenter tout le monde. Les consoles de mixage numériques à mémoire pour régler différentes équalisations d'un groupe à l'autre : encore faut-il que le programmateur ait les moyens d'en louer une, voire deux en comptant le mix des retours. Les projecteurs asservis pour télécommander les réglages lumière depuis la régie : et là je vous renvoie à ce que je viens de dire sur le temps d'accès au pupitre, sachant que la programmation d'asservis en prend encore plus ; sans parler de l'uniformisation de l'esthétique dûe à l'utilisation des mêmes types d'éclairage (uniformisation qui va à l'encontre du souhait initial de la vedette...).
Répondre aux exigences techniques des 1ères parties peut se faire très facilement et même sans gonfler les coûts : les techniciens de 1ère partie sont conciliants et prêts à s'arranger pour peu qu'on aille un minimum dans leur sens. Cela éviterait pas mal de tension pour tout le monde (le trac est un moteur suffisamment efficace pour ne pas le compléter par un stress néfaste).
Cela éviterait surtout que le monde de la chanson (cette grande famille si merveilleusement solidaire) s'engonce dans un vedettariat aux caprices déplacés : à vouloir se réserver tous les avantages, la star risque au contraire de proposer à ses fans une 1ère partie ratée qui ne peut que nuire à l'image qu'elle se donne tant de mal à construire.
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